Nous sommes vendredi soir, 17 septembre, et la semaine se clôture par un fait historique: la France rappelle pour consultations ses ambassadeurs aux Etats-Unis & en Australie à cause de la "gravité exceptionnelle" de l'annonce du partenariat Washington-Londres-Canberra débouchant sur l'annulation d'un gros contrat d'achat de sous-marins à la France.
Ci-dessus: signature du 11 février 2019 > 15 septembre 2021, le "contrat du siècle" n'est plus.
Ce mercredi 15 septembre 2021, les rumeurs se répandent selon lesquelles l'Australie annulerait son partenariat stratégique (le fameux "contrat du siècle" pour Naval Group, remporté en 2016, et confirmé depuis) avec la France.
Nous sommes alors peu à y croire, habitués à ce que les médias australiens médisent sur la technologie des sous-marins français. Pourtant cette fois… c'est officiel. Canberra renonce aux sous-marins français de Naval Group (le système de combat allait lui à Lockheed Martin) pour se lancer dans un nouveau contrat pour - et c'est LA grande surprise - des SNA américains. Avec une participation encore indéterminée du Royaume-Uni.
Depuis, tout a été dit ou presque.
Le coup de grâce vient évidemment de Washington où l'administration Biden prend décidemment peu soin de certains de ses plus fidèles alliés, Paris n'ayant même pas été prévenu. Mais finalement, Bush, Obama, Trump... Biden, le comportement américain n'est que continuité.
Et en matière d'armement, on n'oublie pas non plus comment la France fut doublée en juin sur le contrat des avions de chasse suisses.
Quant aux Britanniques, impliqués dans ce nouveau partenariat stratégique dans le Pacifique, "AUKUS", cela touche à la schizophrénie. A Londres, on hurlait à la trahison américaine il n'y a même pas un mois lors de la chute de Kaboul. On s'y gargarise aujourd'hui, se félicitant de la consécration de la stratégie naissante (et post-Brexit) du "Global Britain"... en se moquant bien des naïfs Français, désormais accusés d'être mauvais joueurs.
La conférence tenue par Joe Biden fut également surréaliste, et d'un point de vue français, humiliante. Etats-Unis en leader, Royaume-Uni et Australie au second rang… cela rappelle un peu l'aventure irakienne de 2003.
La France l'Europe hors jeu dans l'Indo-Pacifique ?
La crise diplomatique est là. Et maintenant ?
La France, tout comme l'Europe vient tout simplement d'être mise hors-jeu par Washington dans le Pacifique, ce qui demeure une décision absolument incompréhensible… incompréhensible oui, car elle était évitable.
Au prix d'un renforcement politico-militaire certes sans précédent avec l'Australie, l'Amérique se positionne ouvertement face à la Chine en ostracisant un partenaire, la France, qui quoiqu'on en dise compte dans la région.
Bien plus par exemple que le Royaume-Uni, si fier d'abattre sa carte "Commonwealth", mais dont la jadis glorieuse Royal Navy est aujourd'hui menacée de déclassement radical.
L'Europe aussi ambitionne d'être un acteur aux antipodes, comme en témoigne la parution cette semaine de sa stratégie en la matière (l'affaire AUKUS est tout autant un camouflet pour elle). Mais à la pointe de la lance, il y avait bien sûr la France qui y a fait un retour très remarqué depuis une décennie. Le dénouement australien y met-il un coup d'arrêt ? Assurément oui… mais pas définitif.
Il lui faudra en premier lieu bien sûr se tourner vers l'Inde, l'autre acteur majeur de la zone. Et en second, lieu, refonder sa stratégie autour, soit de nouveaux partenaires, soit de ses territoires, comme la Nouvelle Calédonie (le prochain référendum devient un enjeu vital), avec des moyens nettement plus conséquents qu'initialement prévu.
Attention cependant à ne pas tomber dans une posture "gaullienne"peu probante au 21ème siècle.
Sur le grand tableau de la stratégie, l'épisode français est cependant secondaire, car l'information principale est bien la formation de cette coalition AUKUS, ou autrement dit le lancement officiel d'un grand plan face aux ambitions chinoises. Une Chine qui réagira.
Si cette semaine marque la fin des illusions pour certains, elle semble bien poser les jalons d'un nouvel ordre international dans l'IndoPacifique. On peut donc bien parler d'un événement historique.