
Basé en Charente-Maritime, Grob Aircraft France prépare dans la discrétion un avion d'entraînement afin de répondre au marché international des avions militaires de formation. Ce turbopropulseur biplace nommé TPX "Cobra" pourrait aussi viser les missions de surveillance et de contre-insurrection.
Images: Grob Aircraft France
L'avion vole depuis 2019. C'est la première information. La révélation la semaine dernière (voir en fin de blog) par Grob Aircraft France, récente division du groupe allemand du même nom basé en Bavière, a donc pu paraître surprenante. Appelé TPX "Cobra", ce turbopropulseur biplace aurait débuté son développement chez la maison mère en Allemagne, dans le courant de la décennie 2010, afin de préparer la succession des Grob 120 (dont l'armée française utilise 18 exemplaires).
Dans le détail, il est question ici d'un très élégant biplace en configuration "côte à côte" de 9m de long pour 11m d'envergure qui peut concourir au programme MENTOR2 de l'armée de l'Air et de l'Espace. Pour rappel, MENTOR suit la réforme FOMEDEC, qui avait vu l'arrivée des remarqués Pilatus PC-21 à Cognac, et comporte plusieurs phases dont les premières ont déjà été attribuées (la simulation par exemple). Il s'agit d'un programme structurant de l'armée de l'Air qui vise à moderniser et optimiser la formation, élémentaire cette fois, des futurs pilotes et navigateurs concernant trois axes: l’acquisition des bases, la voltige, et le vol en formation.
MENTOR2, qui concerne Cognac et Salon-de-Provence, devrait bientôt voir la passation d'un marché pour un peu plus d'une vingtaine d'appareils dédiés à la formation de tous les pilotes (et non seulement la chasse, comme c'est le cas à Cognac sur les Pilatus PC-21 de FOMEDEC.
Architecture biplace maintenue
Formation pour tous les équipages d'aviateur donc, argument qu'utilise aujourd'hui Grob Aicraft pour justifier le maintien de son cockpit avec équipage côte à côte, rappelant que cette configuration facilite la relation entre l'instructeur et son élève, d'autant plus que comme je viens de l'écrire, mis à part les pilotes de chasses, les autres aviateurs évoluent dans ce type d'environnement "côte à côte", en A400M ou C-130 par exemple.
Toutefois, il semble que dans l'armée de l'Air, ce type de cockpit -de plus en plus rare il est vrai- n'a pas la préférence des décideurs, qui demandent notamment des garanties de sécurité. L'avionneur compte apparemment profiter du large espace dont il dispose à bord de cet habitacle pour doter, dans le futur, l'avion de sièges éjectables Martin-Baker Mk10L. Nous attendrons donc d'en savoir plus sur ce point d'achoppement.

Côté performances, le TPX Cobra atteint les 462 km/h avec des facteurs de charge allant de +4,4 à -1,7g, pour une endurance de 6h (avec bidons), les équipages pouvant compter sur un affichage tête haute et deux écrans multifonctions pouvant s'interfacer avec tout type de formation (y compris civile, ce qui ouvrirait un autre marché).
Made in France… ou presque
Si le développement a débuté en Allemagne, Grob Aicraft France a bien "acheté" le programme à sa maison mère bavaroise, et la spin-off française voit son avenir proche de Cognac (sa base aérienne cœur de cible), avec un nouveau hangar de production de 2 500 m² construit sur l'aérodrome de Saint-Germain-de-Lusignan (17) avec le soutien des autorités locales. Il sera inauguré cette année.
En cas de succès commercial, la production sera donc française, mais les composants étrangers.

Un marché de plusieurs centaines d'appareils ?
Sur MENTOR2, Grob Aircraft France devra néanmoins faire face à de sérieux concurrents comme l'autrichien Diamond Aircraft ou le suisse Pilatus, qui devraient présenter selon la presse des turbopropulseurs biplaces plus classiques (pilote et élève l'un derrière l'autre), alors que le choix de l'armée de l'Air sera rendu public dans les prochains mois, pour des débuts de livraisons espérés en 2026.
Si rien ne dit que le Cobra s'imposera en France, sur ce marché absolument structurant où il ne part peut-être pas favori, d'autres débouchés sont imaginés à l'international, et pas seulement pour la mission de formation. Il y a en effet le marché de la surveillance, voire de l'attaque au sol dans des pays, notamment en Afrique ou en Amérique latine, qui ont d'une part un besoin, et d'autre part un budget contraint.
Le TPX Cobra pourrait en effet, à la façon d'autres avions du même type dans le monde, recevoir toute une suite de systèmes d'armes ou de surveillance: capteurs, boules optroniques, radar, réservoirs de carburant externes… et quatre pylônes d'armes pour des bombes ou roquettes. Attention cependant, cela demanderait d'étendre les capacités de l'avion (charge utile, endurance), même si l'avionneur assure que 80 à 90% de l'appareil resterait identique.
De quoi quadrupler le potentiel commercial de l'appareil. On se remémorera même qu'il fut un temps, au plus fort de l'opération Barkhane -et avant le "retour de la haute intensité"- où des personnalités influentes dans les armées françaises préconisaient que l'on se dote en France d'un tel appareil d'attaque à bas coût. Débat qui semble désuet aujourd'hui, mais chacun sa guerre.
Couac dans la communication ?
Un mot enfin pour signaler que les sources de cet article proviennent de deux médias spécialisés:
- Air&Cosmos le 19 juin (dossier dans le magazine papier & vidéo sur la chaîne Youtube de Xavier Tytelman, où était reçu le général 2S André Lanata, ancien CEMAA et désormais représentant de Grob Aircraft France)
- et en anglais, Flight Global le 20 juin, qui annonce un "scoop". A tort donc, puisque les Français d'Air&Cosmos lâchaient l'info la veille.
En rassemblant ces informations en fin de semaine dernière, je découvrais l'existence d'un compte à rebours sur le site officiel de l'avionneur (capture ci-dessous, effectuée le 19 juin par moi-même), laissant penser que l'existence de l'appareil aurait été rendue publique ce lundi 24. Entre temps, tout a disparu… A priori, cela se déroulera en grandes pompes ce 28 juin au Château de Versailles durant la cérémonie nocturne des 90 ans de l'armée de l'Air.
L'occasion de "relancer" la promotion de cet appareil, qui comme nous l'avons dit en introduction, fait l'objet d'un développement déjà ancien. Cinq ans après son premier vol, le projet s'apprête donc à vivre un jalon décisif.