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Commissariat central de Bordeaux |
Dimanche 31 janvier, l'émission "Sept à Huit" de TF1 diffusait un reportage intitulé "Les agents de l'ombre face au terrorisme". Une équipe de journalistes suivait en effet des agents du renseignement territorial dans le bordelais. L'occasion de dresser un tableau de la situation régionale. Petit débriefing.
Ci-dessous le reportage en question, diffusé le 31/01/2015:
Sujet aussi "impressionnant" que sensible que les équipes de "Sept à Huit" ont pu tourner au cœur du renseignement intérieur, dans le contexte actuel que l'on connaît.
Attention cependant avec ce thème particulier de la radicalisation, une des nouvelles coqueluches des médias. Alors qu'en est-il ?
Le reportage (d'une durée significative, 30 minutes) commence par une planque, puis une filature, de deux agents du renseignement territorial dans les rues de Bordeaux semble-t-il. Car oui, tout le sujet se déroule dans Bordeaux et ses environs, avec pour "quartier général" le commissariat central dans le quartier Mériadeck.
Le Service Central du Renseignement Territorial (SCRT) a été créé par Manuel Valls en mai 2014, succédant à la Sous-Direction de l'Information Générale (SDIG), qui avait elle même succédé aux célèbres "RG" en 2008. Officiellement, il est "chargé, sur l’ensemble du territoire, d’exploiter les renseignements concernant tous les domaines de la vie institutionnelle, économique et sociale susceptibles d'entraîner des mouvements revendicatifs ou protestataires ainsi que d'étudier les faits de société visant à remettre en cause les valeurs républicaines tels que les dérives sectaires, les phénomènes de repli communautaire et identitaire ainsi que la contestation politique violente."
Le renseignement territorial est souvent assimilé à un nouveau RG car son but et de rétablir un "contact" avec le milieu de la criminalité, dans les quartiers sensibles, en province... chose perdue avec la création de la DCRI (fusion des RG et de la DST, aujourd'hui DGSI) en 2008.
Ceci dit, l'organisation du renseignement intérieur n'est pas prête de rester figée après l'année 2015 catastrophique que nous venons de vivre sur le plan sécuritaire.
On apprend que le service du RT de la zone sud-ouest comprend 200 agents (environ 2000 à ce jour au niveau national), tous naturellement habilités "Secret Défense".
242 signalements depuis les attaques du 13 novembre
Tous les lundis à Bordeaux se tient une réunion réunissant une bonne douzaine de responsables et agents du renseignement, le but étant de faire le point sur les profils à risque sous surveillance, mais aussi d'évoquer les derniers signalements.
Des signalements dont le nombre a explosé depuis les attentats de novembre ! 242 au bureau RT de Bordeaux. A partir de là, il s'agit de faire le tri, le cas le plus redouté étant bien sûr le sujet qui désire se rendre en Syrie (exemple le plus courant mais pas l'unique). D'autant plus que cette personne va souvent tenter d'en emmener d'autres avec elle !
Et c'est là qu'on découvre une méthode de convocation - non coercitive - où des jeunes généralement accompagnés de parents vont témoigner devant les policiers. Au visionnage, l'exercice est déroutant de par son déroulement très cordial... mais pas si surprenant, la mise en confiance est en effet déterminante dans les affaires de radicalisation où l'interlocuteur sera en rupture totale avec les structures de la société.
Ce qui inquiète en revanche, c'est la jeunesse des personnes influençables, 14 ans ici. Les agents du renseignement territorial peuvent alors orienter vers un service social (CAPRI?).
Des entretiens véritablement très intéressants à suivre. Il s'en déroule une vingtaine par mois.
Planques, vidéosurveillance et Fiche "S"
Retour en planque, hors du centre ville cette fois. Les agents du RT placent des caméras de surveillance devant le domicile d'une famille suspectée de préparer un départ en Syrie. Comme le journaliste le signale, rien n'empêche juridiquement cette procédure. Placer des moyens de surveillance dans le domicile serait une toute autre affaire cependant.
Les données vidéos sont traitées par des analystes tous les 3 jours, à Bordeaux. On découvre en même temps qu'eux les mouvements nocturnes d'hommes radicalisés connus des services. S'en suit une présentation de la fameuse fiche "S" dont la moitié des 20 000 exemplaires établies en France concernent l'islamisme radical.
Chiffre impressionnant: 80 suspects sont actuellement ainsi surveillés dans la région !
Respect de la laïcité
Rendez-vous ensuite dans une mosquée du bordelais où prêche d'ailleurs le très respecté Tarek Oubrou, blacklisté par le groupe Etat Islamique.
Le secrétaire général du conseil régional du culte musulman, Fouad Saanadi, exprime alors aux enquêteurs ses inquiétudes concernant l'apparition d'imams "itinérants" venus d'Espagne et prônant un islamisme radical.
Puis direction la Mairie de Bordeaux, où les agents du RT rencontrent Marik Fetouh, adjoint du Maire de Bordeaux Alain Juppé à l'égalité et la citoyenneté, et en charge des questions de laïcité. Un principe de laïcité qui empêche les autorités de fermer arbitrairement un lieu de culte tant que la preuve de son danger pour l'ordre public n'est pas apportée. En l’occurrence ici, pas encore de preuve.
Rendez-vous ensuite dans une mosquée du bordelais où prêche d'ailleurs le très respecté Tarek Oubrou, blacklisté par le groupe Etat Islamique.
Le secrétaire général du conseil régional du culte musulman, Fouad Saanadi, exprime alors aux enquêteurs ses inquiétudes concernant l'apparition d'imams "itinérants" venus d'Espagne et prônant un islamisme radical.
Puis direction la Mairie de Bordeaux, où les agents du RT rencontrent Marik Fetouh, adjoint du Maire de Bordeaux Alain Juppé à l'égalité et la citoyenneté, et en charge des questions de laïcité. Un principe de laïcité qui empêche les autorités de fermer arbitrairement un lieu de culte tant que la preuve de son danger pour l'ordre public n'est pas apportée. En l’occurrence ici, pas encore de preuve.
Lire aussi sur le blog: CAPRI, pionnier d'un nouveau modèle de lutte contre la radicalisation ?
Le fait étonnant est qu'à ce moment-ci du reportage, il ne soit jamais fait mention de l'existence de CAPRI (centre d'action et de prévention contre la radicalisation des individus)à Bordeaux, dont Marik Fetouh est justement secrétaire général et porte parole. Peut-être une volonté politique de ne pas associer la structure - au rôle plus social que sécuritaire - à l'appareil policier.
En conclusion, le chef du renseignement territorial se déplace pour une réunion à Bordeaux, constatant que parmi cette véritable pêche au filet (3000 perquisitions "grâce" au régime d'Etat d'Urgence), il faudra pouvoir trier parmi les "bons" dossiers afin d'économiser les moyens; et évaluer des profils psychologiques divers, mais "inquiétants" en raison d'un risque de passage à l'acte non prémédité.
Et pour rester dans le sujet, LeFigaro.fr publie justement ce 2 février une infographie recensant 8250 individus radicalisés en France depuis avril 2014: