L'une des batailles marquantes de la seconde Guerre Mondiale fut sans aucun doute celle de l'Atlantique, où les meutes de sous-marins de l'Axe tentèrent par tous les moyens de briser l'effort de guerre des Alliés. La côte française étant en première ligne, les allemands y firent bâtir cinq bases sous-marines en un temps record, dont celles de Bordeaux et La Rochelle.
Un série estivale en quatre épisodes traitait sur ce blog de la seconde Guerre Mondiale en Aquitaine. C'était pendant l'été 2014, déjà (voir rubrique "Histoire" du blog). La base sous-marine de Bordeaux avait cependant été la grande oubliée, et je profite de ce lendemain de commémoration du 8 mai 1945 pour revenir sur l'histoire de ces édifices.
Des bases... allemandes !
A l'heure où le sous-marin demeurent - ou redevient pour certains - une arme stratégique (ce que nous prouve deux "faits divers": le contrat australien pour 12 sous-marins remporté par le français DCNS, et l'aventure d'un sous-marin russe dans le Golfe de Gascogne en janvier dernier), j'ai pensé qu'il était bon de se remémorer le passé.
Controns tout d'abord une idée reçue, particulièrement chez les bordelais: non la base sous-marine située dans le quartier des bassins à flot n'a jamais été une base française ! Sa construction a en effet débuté après une décision prise par les allemands en 1941.
A fin de fortifier la façade atlantique du continent, la Kriegsmarine (marine de guerre allemande) lance la construction de bases de sous-marins sur le littoral. Elles seront au nombre de cinq en France: Brest, Lorient, St Nazaire, La Rochelle, et donc Bordeaux.
Et à Bordeaux, ce sont les italiens qui dès la capitulation française actée, se voient confier le port de la ville. Ils y installent notamment leur flotte "Betasom" de 32 sous-marins. A l'air libre au début, mais il deviendra vite nécessaire de mettre les embarcations à l'abri.
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Arrivée des italiens en 1940 |
Le but est avant tout de protéger les flottes de sous-marins des bombardements britanniques. Ce sont les terribles U-boote qui font alors régner la terreur dans l'Atlantique. Les anglais tenteront bien quelques fois des raids aérien sur la marine italienne, mais sans résultat probant... Bordeaux est trop loin, et une seule tentative de bombardement suffira pour l'Axe décide d'éclater ses centres névralgiques à travers la ville et sa banlieue.
C'est l’amiral Dönitz qui prend la décision de fortifier les bassins à flot de Bordeaux. La construction de l'impressionnant bâtiment débute en 1941 et s’achèvera en 1943. Elle est confiée à la tristement célèbre Organisation Todt, qui utilisera près de 6000 travailleurs, pour la plupart des prisonniers de guerre, et dans des conditions de travail horribles, jours comme nuits, afin de terminer au plus vite un édifice de 43 000 m², 245 m de long, 162 de large, et 19 de haut. Au total, cela nécessitera 600 000 mètres cubes de béton.
Le résultat est un fantastique monstre d'ingénierie. 11 alvéoles (ou vulgairement places de parking pour sous-marin) protégées par un toit d'une épaisseur 9,20 m !!! La base n'est pas réellement terminée en 1943, mais pleinement opérationnelle.
Aussi, dès la fin 1942, les Allemands prennent place à Bordeaux avec 42 U-boote de la 12e Unterseebootsflottille, en raison du placement éloignée et donc à l'abri des bombardement de la base (au cours de la guerre, Bordeaux verra aussi passer un sous-marin japonais !). Un an plus tard, les derniers bâtiments de guerre italiens seront d'ailleurs réquisitionnés, le pays ayant capitulé devant les forces alliées.
La base sous-marine de Bordeaux apparaîtra alors comme une forteresse invincible, que les américains arriveront à peine à égratigner malgré un bombardement de 189 bombes de 225 kg en mai 1943. Un constant d'impuissance pendant qu'en même temps, la base sera le point de départ de 177 missions pour la Kriegsmarine.
Mais la bataille de l'Atlantique verra progressivement le rapport de force s'inverser en 1942/43, et prendra définitivement fin avec le débarquement allié en 1944. Bordeaux sera libérée le 28 août et la 12e flottille dissoute trois jours plus tôt. Seulement trois U-boote s’échapperont.
Depuis lors, la base sous-marine est restée un bâtiment abandonné, mystérieux, et très mal connu des bordelais... jusqu'à récemment. Aujourd’hui, les 12 000 m² ouverts au public ont été réaménagés pour accueillir divers événements culturels, comme des expositions ou concerts. Il existe même un mémorial honorant les prisonniers qui ont succombé durant sa construction. Une reconversion intéressante, contrairement au cas de La Rochelle.
La base sous-marine de La Rochelle
Du côté de La Rochelle donc, et pendant que les italiens s'installaient à Bordeaux, les allemands ont cette fois pris possession des lieux dès l'invasion de la France. La construction (confiée à l'organisation Todt toujours) d'une base sous-marine est même décidée avant celle de Bordeaux, et commence dès le mois d'avril 1941. Elle abritera la 3e flottille de U-boote.
Elle se situe sur le quai de la « La Pallice » du port de La Rochelle, ce qui lui vaudra le même surnom.
Plus "modeste" que celle de Bordeaux, la base sous-marine de La Pallice mesure tout de même 192 m de long, et possède 10 alvéoles. Elle verra passer plus d'une centaine de navires allemands.
La Rochelle ne sera libérée qu'à l'été 1945 (poche de résistance), mais ses U-boote auront été transférés en Norvège depuis un an déjà.
Contrairement à Bordeaux, qui ne donne pas un accès direct à l'océan, la Marine Nationale (française cette fois-ci) occupera l'installation de La Rochelle après la guerre. Elle y basera notamment un atelier du service local des constructions et armes navales, et trois patrouilleurs assurant la police de la sécurité à la mer du centre d'essais des Landes jusqu'en 1980.
Aujourd'hui malheureusement, la ville peine à trouver de quoi donner une nouvelle vie au bâtiment.
Et la petite anecdote pour la fin... et non des moindres ! La base sous-marine de La Rochelle a servi plusieurs fois de décor pour le cinéma, à chaque fois comme base sous-marine allemande. Et les amoureux d'aventure ne manqueront pas de reconnaître la base nazie en méditerranée du premier film Indiana Jones, "Les aventuriers de l'Arche perdue" !
Au final, la carrière opérationnelle de ces mastodontes de béton armé aura été bien courte. La Guerre Froide verra ensuite l’avènement de véritables géants des mers, les sous-marins nucléaires, qui feront presque passer les U-boote de la 2ème Guerre Mondiale pour de simples jouets en comparaison (certains atteignant le triple de longueur de ces derniers).
NB: Pour en savoir plus, je conseille grandement la consultation de ce site qui m'a été très utile dans la rédaction de cet article: www.u-boote.fr