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Un drone Avenger muni d'un laser offensif. En réalité le laser est invisible ! - Image DARPA |
Voici venu le temps d’entamer, comme le veut maintenant la coutume sur ce blog, la série estivale ! Celle-ci sera consacrée cette année à l'évolution technologique du monde de l'armement d'ici à 2050. Et nous essaierons donc de visualiser, dans plusieurs domaines, à quoi ressembleront les forces armées françaises au milieu du XXIème siècle.
Et comme la science et l'ingénierie sont des domaines où l'on planifie sur le long terme, les pistes sont déjà nombreuses !
Mais au fait, pourquoi ce thème ? Et maintenant ?
Drones, robots, avions furtifs, nouvelle course vers l'espace ou même immenses découvertes dans le monde de la physique... il ne vous a peut-être pas échappé ces toutes dernières années que nous étions possiblement à l'aube d'une nouvelle ère technologique, la fameuse rupture qui dans des termes militaires serait "stratégique".
Regarder du côté de la DARPA (centre de recherche américain de la Défense) et des grands industriels de l'armement ne fait que confirmer cette impression. L'armement qui est d'ailleurs - et certains le regretteront - un moteur pour la recherche, l'innovation. Les retombées du secteur ASD (aéronautique, spatial, défense) en matière technologique sont à ce titre absolument impressionnantes dans le civil, dans la santé notamment.
Je cite en particulier les USA car leurs budgets de recherche et développement sont astronomiques, leur permettant d'explorer toutes les voies, y compris les impasses donc. Mais nous verrons qu'en France, avec des moyens bien moindres mais souvent mutualisés avec nos alliés européens, nous ne sommes pas décrochés.
2050, sur le plan industriel, c'est déjà demain. Aussi nous commencerons aujourd'hui par envisager les armements du futur. Il sera ensuite question dans une deuxième partie des vecteurs, des véhicules, puis enfin nous terminerons avec l'avenir du fantassin.
Mais pour aujourd'hui, place à l'artillerie lourde donc !
Le Railgun
Quelles armes pour les forces de demain ? Si nous ne sommes pas prêts d'abandonner la poudre à canon, nous avons peut-être une idée de ce qui viendra lui faire concurrence: l'énergie électromagnétique ! Une vraie révolution comme on n'en a pas connu depuis l’avènement du fusil.
On parle ici d'un canon capable de propulser un projectile à sept fois la vitesse du son, soit plus de 8 500 km/h, avec une portée de 350 km ! Et ici pas besoin de charge explosive, l'énergie cinétique suffit à provoquer une explosion à l'impact.
Deux rails métalliques parallèles et connectés à un générateur électrique créent un puissant champ magnétique qui agit alors sur le projectile (un obus de tungstène durant les tests), auquel aucun blindage ne résiste.
Les images parlent d'elles-mêmes:
Les travaux sur les "canons électriques" ou surnom plus connu (science-fiction, jeux vidéo...), "railguns", remontent aux années 1970 aux USA, où la DARPA travaille avec les plus puissants industriels du secteur de l'armement comme la filiale Electromagnetic Systems de General Atomics (GA-EMS), ou BAE Systems qui lui a fourni au Centre de guerre navale de surface des États-Unis de Dahlgren (Virginie) un prototype de railgun conçu pour être poussé jusqu'à 32 ou éventuellement 64 Mégajoule !
Et si la machine a toute l'attention du Pentagone, c'est parce que le railgun offre plusieurs avantages: outre le fait qu'il puisse tirer un projectile à une vitesse trois fois supérieure à celle d'une balle (donc avec un pouvoir de perforation sans égal), il fonctionne surtout, et c'est ici la révolution, sans charge explosive. Un argument qui favoriserait tant la logistique que le budget. Car oui, un projectile de railgun coûterait environ 25 000 dollars seulement, très loin du prix des munitions actuelles qui se compte en dizaines, voire plus certainement centaines de milliers de dollars.
Et en France aussi la piste est étudiée. Ou l'a été. En 1998, l'institut franco-allemand de recherches militaire de Saint-Louis (ISL), avec le projet "Pegasus", a construit un exemplaire de railgun pouvant tirer un projectile d'un kilogramme à la vitesse de 2 600 m/s pour une puissance de 15 GW.
Des performances déjà conséquentes pour l'époque qui démontre que la technologie existe en Europe, le savoir faire aussi. La Russie est également sur le coup avec un prototype.
Des performances déjà conséquentes pour l'époque qui démontre que la technologie existe en Europe, le savoir faire aussi. La Russie est également sur le coup avec un prototype.
La marine américaine a annoncé son ambition de doter dès 2016 ses prochains navires, et on pensera ici à la toute nouvelle classe de destroyer Zumwalt dont la capacité est de pouvoir générer une puissance électrique de 78 Megawatts.
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L'US Navy va se voir doter de 3 Destroyer furtifs de classe Zumwalt, pour 22,5 milliards de dollars ! |
En quarante ans, les progrès sur ce projet ont été conséquents, mais il reste des problèmes techniques à régler, le principal étant l'usure rapide des rails provoquée par l'énorme chaleur du tir. L'autre gros souci, c'est la quantité d’énergie nécessaire, ce qui n'est pas très problématique sur des bâtiments de guerre, mais qui le serait bien plus sur des véhicules terrestres par exemple.
Les innovations récentes permettent cependant d'avancer à grand pas vers un railgun plus solide et plus économe, en faisant à coup sûr un incontournable de l'artillerie de ce siècle.
A partir de là, les applications deviendraient possibles s'agissant des armes légères, utilisables par le fantassin. On imagine notamment de futurs fusils de précision anti-blindage.
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Le Laser
Le laser... ou l'un des fantasmes sur les guerres de demain. Largement ancré dans l'imaginaire collectif, principalement grâce au cinéma, le laser est à coup sûr l'une des armes de prédilection de demain. Son utilisation est pourtant radicalement différente de l'image que l'on s'en fait.
Tout comme le "railgun", le laser est un fil rouge (!!!) de la recherche militaire depuis quelques décennies déjà. Et ses applications, presque balbutiantes en rapport avec le potentiel, sont déjà fantastiques dans le militaire comme le civil.
En France, et en Aquitaine notamment, nous disposons d'une filière des lasers très prometteuse. Derrière le CEA et son laser mégajoule qui intéresse le domaine nucléaire, c'est tout un monde de la recherche ainsi qu'une industrie (cluster "La route des lasers") qui se structurent, avec des applications possibles, entre autres, dans la santé.
Tout comme le "railgun", le laser est un fil rouge (!!!) de la recherche militaire depuis quelques décennies déjà. Et ses applications, presque balbutiantes en rapport avec le potentiel, sont déjà fantastiques dans le militaire comme le civil.
En France, et en Aquitaine notamment, nous disposons d'une filière des lasers très prometteuse. Derrière le CEA et son laser mégajoule qui intéresse le domaine nucléaire, c'est tout un monde de la recherche ainsi qu'une industrie (cluster "La route des lasers") qui se structurent, avec des applications possibles, entre autres, dans la santé.
Sur le plan purement militaire, le laser permet une chose, la frappe instantanée ! Vitesse de la lumière oblige, le tir et l'impact sont sans délais perceptibles. Pas besoin non plus d'un projectile coûteux et consommable tel le missile guidé, ici encore, seule l'énergie électrique suffit.
C'est pourquoi la défense anti-missile demeure leur vocation première. Pas encore assez puissants pour percer un gros blindage, ils peuvent tout de même percer des plaques de métal et endommager l’électronique d'un missile ou d'un drone par exemple.
Et il faut encore une fois regarder du côté des USA pour en visualiser l'utilisation: une tourelle laser anti-missile est déjà en expérimentation dans l'US Navy. Lockheed Martin, son constructeur, élabore également une version pour véhicules terrestres.
Lockheed Martin justement, numéro 1 mondial de l'armement, a annoncé en 2015 avoir réalisé 60 vols d’essai avec un avion équipé (photo ci-dessus) d'une nouvelle tourelle laser tactique dotée d'une capacité de rotation de 360°. On se verrait même le transposer sur un Falcon de Dassault Aviation.
Lire aussi sur le blog: Lockheed avance doucement mais sûrement sur les lasers offensifs
Le laser, d'une puissance de 60 kilowatts est le premier d'une nouvelle génération, dont la production a déjà commencé. La gamme de lasers devrait même pouvoir s'étaler de 60 kW à 120 kW, selon l'emploi ou le type de menace auquel on veut répondre.
Il faut voir ici ce que pourrait être l'avion - ou le drone - intercepteur du futur. Le but à terme serait de déployer ce type d'armement sur des jets supersoniques de 6ème génération, ainsi capables de jouer le rôle de bouclier anti-missile (un missile balistique pourrait selon un rapport américain être intercepté à une distance de 300 à 600 Km), et pourquoi pas avec des lasers plus puissants de détruire l’électronique d'autres chasseurs, à longue distance et n'importe quel angle de tir.
Problème, le laser reste soumis aux aléas climatiques. Ayant besoin d'une ligne de vue dégagée, un simple nuage suffit à annihiler son effet. De même avec les différentes masses d'air, la chaleur, l'humidité, qui influent sur la concentration du faisceau. Dans l'espace en revanche, il pourrait être le roi.
Point juridique: Le Protocole IV relatif aux armes à laser aveuglantes, signé le 13 octobre 1995 et entré en vigueur le 30 juillet 1998, interdit « d'employer des armes à laser spécifiquement conçues de telle façon que leur seule fonction de combat ou une de leurs fonctions soit de provoquer la cécité permanente chez des personnes dont la vision est non améliorée, c'est-à-dire qui regardent à l'œil ou qui portent des verres correcteurs » (art.1).
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Le Missile Air-Air très longue portée
Terminons ce panel avec un produit purement européen (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suède), et quasiment en service puisqu'il dotera le Rafale dès 2018. Il s'agit du missile air-air Meteor, de MBDA.
Le missile Meteor signifie l'arrivée d'une nouvelle génération de munitions guidées. Il est équipé d’un statoréacteur, et doté du mode "tire et oublie".
Surtout, couplé à un radar dernier cri, comme le RBE2 de Thales, également en phase de test sur Rafale, il permet d'assurer la mission de défense aérienne à très longue portée. Théoriquement le Meteor a une portée avoisinant les 100 Km, et une vitesse de pointe de Mach 4... soit quasiment 5000 Km/h !
Sur le blog: Le Rafale tire son 3ème missile METEOR sur cible depuis Cazaux
Le Meteor correspond aux besoins de la supériorité aérienne du 21ème siècle. Rapide, agile, longue portée, il est conçu pour se frotter aux chasseurs de 5ème génération comme le F-35.
La France en a commandé 200 exemplaires à ce jour. Hors Europe, le Qatar a commandé 160 Meteor pour équiper ses futurs Rafale en mai 2015.
Point juridique: on pourrait bien se retrouver dans une situation inédite avec ce type de missile, ses capacités dépassant de loin ce qu'on l'on a connu, il sort de facto du cadre des Règles Opérationnels d'Engagement. Pour imager, le missile a plus de portée que le droit. Comment donc à une distance de 100 Km être certain que vous tirez sur un avion ennemi et pas un avion de ligne ?
Vous le devinez donc, les armes qui feront la supériorité stratégique de demain sont déjà en développement, presque en service. Une première génération qui laisse augurer des progrès techniques encore plus grands d'ici 2050. Vous noterez également le net avantage américain (qui parlait à tort de déclassement stratégique face à la Chine ?) acquis grâce à des budgets de recherche stratosphériques !
Toutefois, rien ne laisse penser qu'un pays comme la France ne saura pas développer ses propres solutions, le Meteor en est une preuve.
Dans une seconde partie nous enchaînerons sur les vecteurs ou plus vulgairement les véhicules qui transporteront les armes et les soldats de demain. Que ceux-ci soient au sol, en mer, dans le ciel... ou dans l'espace. Et pilotés par l'homme... ou pas !