La Commission Européenne a dévoilé mercredi 26 octobre sa nouvelle stratégie spatiale. Cette dernière vise à "faire bénéficier au mieux notre société et notre économie de l’espace, en favorisant la compétitivité et l’innovation de notre secteur spatial et en assurant l’autonomie stratégique de l’Europe dans l’espace". Tout un programme dont voici le détail.
Consulter le document (en français, 15 pages) sur le site de la Commission Européenne ICI.
Mine de rien, la politique spatiale est une des grandes réussites de l'Europe, tant au niveau de l'Union, qu'extracommunautaire avec l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne (avec qui l'UE a signé une déclaration conjointe exprimant leur vision commune pour une politique spatiale européenne). Cela à tel point que le continent est un acteur majeur du domaine avec des leaders incarnés par l'Allemagne, l'Italie, et surtout la France.
Si l'on se cantonne à l'UE, car c'est bien sa stratégie qui nous intéresse ici, on s'aperçoit que 230 000 personnes travaillent dans le secteur spatial, un secteur dont la valeur ajoutée est estimé par PwC entre 46 à 54 milliards d’euros au sein de l’Union, soit 21% du marché mondial.
Dans le communiqué qui accompagne le document stratégique, la Commission cite assez justement l'ampleur de l'impact des programmes de l’UE dans le domaine spatial, ces derniers fournissant "déjà des services qui sont devenus indispensables dans la vie quotidienne de tout un chacun. Les données spatiales sont nécessaires pour utiliser un téléphone portable, conduire une voiture équipée d’un système de navigation, prendre l’avion ou regarder des programmes de télévision diffusés par satellite. Ces données s’avèrent également primordiales pour la protection d’infrastructures essentielles telles que les centrales électriques, les réseaux intelligents et même les transactions bancaires. Les données spatiales permettent de gérer les frontières et de sauver des vies en mer. Elles améliorent notre capacité de réaction aux tremblements de terre, aux incendies de forêt et aux inondations. Elles aident les agriculteurs à planifier leur production et contribuent à protéger l’environnement et à suivre les changements climatiques".
Cette piqûre de rappel ressemble malheureusement à un passage obligé à l'heure où les contribuables européens sont parfois prompts à dénigrer que des milliards soient injectés dans des secteurs scientifiques ou technologiques dont ils n'ont pas toujours le sentiment qu'ils en perçoivent le retour sur investissement. Et pourtant...
C'est pourquoi l'Europe s'attaque maintenant à la prochaine étape de sa politique spatiale. La Commission rappelle notamment le contexte tenant au renforcement de la concurrence mondiale, avec la participation accrue du secteur privé et l'arrivée d'évolutions technologiques majeures.
Dans le cadre de la nouvelle politique spatiale pour l’Europe, la Commission va notamment:
- promouvoir l’utilisation de Galileo dans le secteur de la téléphonie mobile et les infrastructures critiques et améliorer la connectivité des zones isolées;
- faciliter l’accès des sociétés et jeunes entreprises innovantes aux données spatiales au moyen de plateformes spécifiques dirigées par le secteur afin de mettre au point des services et des applications;
- encourager les investissements privés en faveur de ces jeunes entreprises, en particulier dans le contexte du plan d’investissement pour l’Europe;
- soutenir l’émergence de pôles et clusters de l’industrie spatiale dans les régions d’Europe.
Des points assez techniques ici mais si l'on devait résumer le document en termes de politiques, il émergerait que l’Europe va en priorité chercher à renforcer les bénéfices socio-économiques du spatial, soutenir la compétitivité de l’industrie européenne, renforcer l’autonomie stratégique et faire de demeurer un acteur spatial mondial.
Des ambitions affichées
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Galileo a pris du retard ! Le GPS européen est toujours en cours de déploiement - Le Figaro |
Galileo, EGNOS, Copernicus... sont autant de grands programmes qui doivent œuvrer au développement économique et stratégique de l'Europe, tout comme à son indépendance.
Des outils prodigieux largement sous exploités par les européens eux-mêmes. Aussi, la Commission compte bien en faciliter l'accès aux PME, chercheurs et structures publiques européennes.
S'agissant d'indépendance stratégique (et de libre concurrence), l'Europe veut aller vers plus d'autonomie. Comprendre s'affranchir de la dépendance à des pays étrangers, américaine principalement. Ou russe comme en témoigne une affaire en cours.
Les USA fournissent en effet de nombreux composants électroniques à l'industrie spatiale du vieux continent, composants régis par la réglementation ITAR. Effectivement, ITAR, pour "International Traffic in Arms Regulations" est la réglementation américaine sur le trafic d'armes au niveau international. Elle commande sous quels critères les USA peuvent ou ne peuvent pas exporter des matériels ou composants - parfois infimes - susceptibles d'avoir un impact sur la sécurité nationale.
Et c'est de cela que la Commission aimerait se libérer en favorisant des "mesures remédiant à la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement européennes, en soutenant le développement de composants, systèmes et technologies spatiaux critiques, associés la non-dépendance technologique".
NB: ne jamais oublier qu'en matière de spatial, le monde de la défense n'est jamais très loin !
Enfin notons que l’UE en tant que telle va lancer plus de 30 satellites au cours de la prochaine décennie/quinzaine d'années. En ce sens, elle pourrait participer au financement d'infrastructures de lancement comme le Centre spatial guyanais, et encourage le développement de filières comme les lanceurs réutilisables et le tourisme spatial suborbital.
Un vaste programme donc ! Mais comme l'exprime très bien Jean-Yves Le Gall, président du CNES (Centre national d'études spatiales), « Le principal défi est devant nous : il s’agit de traduire la stratégie en programmes concrets, ayant un impact tangible sur la vie des citoyens européens. L’enjeu est de taille mais il en vaut la peine, puisque l’espace est la meilleure carte de visite de l’Europe ».
A titre personnel, je regretterai l'austérité de ce document, comme de sa révélation de façon plus générale. L'espace suscite des vocations, du rêve... L'Europe serait bien avisée, ou du moins n'aurait rien à perdre à tenter de capitaliser là dessus.