Le monde des blindés lourds vit-il l'amorce de sa grande révolution ? Une question légitime quand on observe les projets émergents dans le monde et notamment en Europe, où ces dernières semaines ont été marquées par des annonces significatives.
Ci-dessus: l'estonien Milrem a brièvement révélé son Robotic Combat Vehicle Type X de 12 tonnes.
Pas de salon Eurosatory cette année pour cause de Covid, mais tout de même des informations intéressantes.
L'Estonien Milrem Robotics a diffusé - puis retiré - une image qui a fait grand bruit: celle d'une robot de combat terrestre, le "RCV" (Robotic Combat Vehicule) Type X équipé d'une tourelle CPWS 25 gen 2 de John Cockerill Defense dotée d'un d'un canon de 25 ou 30mm et de missiles antichars.
Si ce prototype tient probablement plus aujourd'hui de la maquette que du démonstrateur, il s'agit là d'un pas supplémentaire vers la robotisation du champ de bataille.
Des acteurs comme la Russie sont déjà passés par une large expérimentation au combat (en Syrie), mais l'Europe avance de sérieux arguments. Milrem vient en effet de recevoir 30,6 millions d'euros de la Commission Européenne pour développer un système terrestre sans pilote normalisé européen:
En à peine 5 ans, cette entreprise estonienne se sera inscrite comme innovateur de classe mondiale dans le paysage de l'armement, concluant des partenariats avec les grands groupes européens, y compris français. Sa mule THeMIS (Tracked Hybrid Modular Infantry System), capable de recevoir une tourelle, être aérotransportée par hélicoptère Chinook, ou encore de remorquer un VBCI (vidéo ci-dessous), vient de fêter ses 1 an d'expérimentations au Mali.
Mais de façon générale, autour des projets touchant à la fois à la robotique, l'IA, la collaboration homme/machine.... nous abordons une ère d'expérimentations majeures qui déterminera nos capacités de combat multidomaines dans un futur relativement proche.
La France devrait tester des systèmes dès cet été au Mali, avec un choix de matériel israélien qui fait cependant polémique alors que des solutions françaises reconnues émergent.
Comme dans de nombreux domaines, c'est une nouvelle page qui s'écrit, et il s'agira de faire partie de ceux qui écrivent l'histoire.
Lire sur le blog: L' armée de Terre veut se préparer aux conflits de haute intensité
Et si enfin, la question éthique oblige aujourd'hui à avancer très prudemment dans nos démocraties - car oui, d'autres ne se gênent/eront pas - sur la problématique des robots terrestres armés, nous en voyons là apparaître les premières briques technologiques.
En parallèle du SCAF, le Main Ground Combat System (MGCS) franco-allemand avance
Justement, les lecteurs de ce blog connaissent le fil rouge du SCAF, ce système de combat aérien futur associant Français, Allemands et Espagnols (et soyons honnête, ayant vocation à s'étendre, voire englober certains projets concurrents) dans le développement d'un système de systèmes conçu autour d'un produit phare: l'avion de combat futur, dont le maître d'oeuvre est Dassault Aviation.
Dans le même temps, le naval cherche son grand programme qui pourrait être l'European Patrol Corvette, tandis que le terrestre possède le sien. Main Ground Combat System.
Pour rester concis, MGCS, ou en vulgarisant, le programme franco-allemand de remplacement des chars Leclerc et Léopard (un succès incroyable pour ce dernier, donc un marché potentiel faramineux pour son successeur), associe industriels des deux côtés du Rhin dans le but de concevoir un système lourd de combat terrestre à horizon 2035/40.
Sous lead allemand, sa feuille de route, éminemment politique, ressemble peu ou prou à celle du SCAF, et est plus ou moins directement liée aux avancées de celui-ci, pour des raisons qui tiennent plus à l'équilibre des forces (direction française sur l'aéro, allemande sur le terrestre) qu'à une quelconque logique touchant aux opérations militaires.
Dernièrement donc, alors que Airbus et Dassault avançaient au niveau politique sur la validation d'un programme de démonstrateur(s), le programme MGCS rattrapait son léger retard avec la signature, après validation par le Bundestag, d'un accord-cadre, puis d'un accord de mise en œuvre, pour un contrat d'étude de définition de l'architecture du futur système. Le premier contrat d'études d'architecture durera 18 mois pour un montant de 30 millions d'euros, répartis à part égale entre les deux pays. Suivront les contrats des démonstrateurs.
Mais ce programme mérite des développements d'une expertise supérieure, et c'est pourquoi je vous invite à consulter l'excellentissime dossier paru sur Mars Attaque et Forces Operations Blog ces derniers jours, en 3 parties, dont les liens se trouvent ci-dessous:
Alors, le retour en grâce de la chenille en France ? Bonne lecture !